jeudi 26 février 2015

Petite leçon d'histoire contre les discours apocalyptiques sur la sortie de l'euro

16 septembre 1992, le Royaume-Uni quitte le système de change européen
White Wednesday ou Black Wednesday ?



Par Alex




    Alors que certains pays européens, plus particulièrement certains partis politiques de ces pays, en période de crise, se posent la question de quitter l'euro, retour sur le «
Black Wednesday », jour où le Royaume-Uni a quitté le système de change européen/système monétaire européen. Loin des prophéties d'apocalypse, Bernard Conolly, ancien économiste de la Commission européenne parla de « White Wednesday » et pour cause : loin d'apporter la fin des temps économiques, le White/Black Wednesday déclencha une forte reprise économique au Royaume-Uni alors que l'Union européenne s'enfonçait dans la récession.



La crise britannique du début des années 1990

    Le système monétaire européen ou SME (1979-1993) fut le produit de la volonté des États européens d'éviter l'instabilité monétaire au sein du vieux continent. Toutefois, les marges de fluctuations tolérées entre les monnaies étaient trop faibles (2,25 %) pour refléter la diversité des situations économiques des États membres. Le SME n'a pas pu encaisser le choc de la crise monétaire de 1992-1993, il est alors suspendu de facto alors que les marges de fluctuations sont étendues à 15 %. 
    Depuis l'entrée du Royaume-Uni dans le mécanisme de change européen en octobre 1990, la livre était surévaluée, ce qui nuisait gravement aux exportations du pays. Les investisseurs se détournaient de la livre sterling en anticipation d'une dévaluation inévitable. Le pays était alors obligé d'endurer des taux d’intérêts très élevés afin de respecter les règles européennes et maintenir sa monnaie dans les marges de fluctuation définies par les traités. Les résultats furent dramatiques : la croissance économique passa de 2,6 % en 1989 à -1,8 % en 1991 tandis que le taux de chômage bondissait de 5,8 % en octobre 1990 à 10 % en septembre 1992.
   Mi 1992, la situation économique britannique se dégrade, entre en scène Georges Soros, qui engage massivement son fonds d'investissement Quantum fund dans la spéculation sur la livre sterling. Le gouvernement britannique doit alors choisir : soit il se conforme aux traités européens et doit freiner les sorties de capitaux par une augmentation drastique des taux d’intérêts, ce qui aurait aggravé la récession britannique. Soit il décide de laisser la livre sterling se déprécier en sortant du système monétaire européen. Comme chacun le sait, ce fut la deuxième option qui fut choisie.

Les conséquences positives de la sortie du SME

   La fin de la subordination de l’intérêt économique du pays aux règles européennes eut des effets positifs immédiats. La livre se déprécia de 15 %, tandis que les taux d’intérêt revinrent à des niveaux soutenables, déclenchant un boom des exportations et de l'investissement. La croissance bondit de 0,9  % en 1992 à 3,1 % en 1993 tandis que l'Union européenne s'embourbait dans une récession avec une croissance de -0,1 % du PIB. La croissance économique britannique sera dès lors jusqu'en 2007 quasi systématiquement supérieure à celle de l'Union européenne à quinze. 
   Paradoxalement, ce sont les « spéculateurs » qui ont « délivré » le Royaume-Uni de son aveuglement et lui ont permis de renouer avec la prospérité. Le très keynésien Paul Krugman, « prix Nobel » d’économie 2008 nota lui-même que « pour le Britannique ordinaire, l'attaque de Soros sur la livre sterling engendra principalement des bonnes choses » (The return of depression economics, 1999). Toutefois, coté français et européen on préféra les théories complotistes et l'idéologie aux explications macro-économiques et on continua dans la poursuite de l'unification monétaire. Le chef économiste en charge du SME et de la politique monétaire (Bernard Connolly, déja cité) fut d'ailleurs remercié pour avoir critiqué dans un livre (The Rotten Heart of Europe, 1996) le fonctionnement du SME et la marche à la monnaie unique.


   Les enseignements tirés de l'histoire du SME ne sont pas anodins car, d'une certaine manière, l'euro peut-être vu comme un mécanisme de change européen où les parités ont été irrémédiablement fixées entre les différentes monnaies, toutes dénommées « euro ». Dès lors, il y a de grandes ressemblances dans le fonctionnement des deux systèmes monétaires. Bien sûr, comparaison n'est pas raison, mais l'histoire du White Wednesday nous montre que l'on doit accueillir les prophéties catastrophistes telles que celles décrites dans le documentaire diffusé sur France 5 « Bye Bye l'euro » avec la plus grande prudence.

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